Parfois, s’intéresser au cinéma, c’est bien. C’est ainsi que j’ai été invitée par l’association Roots 1901 à regarder BlacKkKlansman, le nouveau film de Spike Lee. L’histoire : au début des années 70, le policier noir Ron Stallworth décide de tenter d’infiltrer le KKK. Déjà, à ce stade, y a trop de don’t dans cette histoire à mon goût, trop de choses qui s’annulent mais qui cohabitent ensemble, mais c’est une histoire vraie. Vraiment vraie. Mon seul intérêt est de comprendre comment Ron va réussir le défi qu’il s’est lancé.

Quelques détails intéressants, le film a gagné la palme d’or au dernier festival de Cannes, et c’est Jordan Peele (Get Out) qui est à la production. Ça en dit long. Get Out est le genre de film qui n’a rien de terrifiant mais qui décharge toutes tes batteries tellement tu encaisses de négrophobie ordinaire en très peu de temps, considérez donc que BlackKklansman c’est le même projet version longue (2h16) et vraie. C’est par sa véracité que ce film est horrible, en sortant de la salle je n’avais aucun moyen de me dire « c’est faux, c’est juste une fiction » puisque le film est une adaptation de faits réels et que Spike Lee n’a à aucun moment envie de nous rassurer sur la réalité : tout le film est parsemé de référence à la situation actuelle (surtout la fin), le discours raciste et intolérant des années 70 existe encore, mais cette fois-ci comme une opinion viable, normale, décomplexée.

Bref – allez tous le regarder. A mes yeux, même au niveau de la communauté noire, il a réussi à dépeindre certains profils de l’afrosphère. J’aime bien ce mot et l’idée qu’entre la vraie vie et les internets la communauté noire peut changer (et ce même d’un réseau à un autre). Du coup, je me suis laissé imaginer ce qu’auraient pu être les profils facebook des héros de BlacKkKlansman et les comportements associés :

Si les héros de blacKkKlansman avaient un compte Facebook :

 

RON STALLWORTH


On a tous un ami qui ignore certaines réalités et le comportement à adopter dans certains endroits. Ron, c’est un de ces gars-là. Néanmoins, c’est sa force. Ron est trop vrai, il respire les bons sentiments, la naïveté, la croyance en l’homme, la positivité… Sur l’afrosphère, Ron est ce gars qui vient d’arriver dans le game, il est convaincu mais si vous ne faites pas attention, il peut vous parler de racisme anti-blanc. On ne sait pas s’il croit au black love. Le faux pas n’est jamais très loin, néanmoins Ron est aussi un gars qui aime le débat et la remise en question constante de ses idées.
C’est vraiment lui sur sa photo de profil. Il n’a aucun faux compte. Quand Ron poste à propos de la condition noire, même quand il est très virulent, sachez qu’il a ses amis d’enfance et ses collègues non noirs sur ses réseaux. Vous ne verrez donc jamais de propos compromettants ou contraire à sa pensée. Le Ron de l’Afrosphère, le Ron des réseaux sociaux et celui de la vraie vie ne font qu’une seule et même personne. Il n’y a rien à trouver sur Ron qu’il n’ait pas twitté, pris en photo ou déclaré en statut.

En définitive, Ron est le gars qu’on qualifie de complexé, « nègre de maison » (je hais et ce mot et les gens qui l’utilisent) pour se rendre compte que ses actions ont bien plus d’impact que les longs textes très incisifs sur les réseaux.

KWAME TURE


Ce n’est pas son vrai prénom, évidemment. Kwame est comme trop de personnes que je connais, ses parents lui ont donné un prénom, lui a décidé d’en changer. C’est tout à son honneur. Ça veut forcément dire un truc mais ça n’est pas lui et il utilise ça –pour ne pas dire son africanité- comme un déguisement. Sur les internets, Kwame a une photo de quelque chose d’africain, la croix d’Ankh, des pyramides, ou lui-même de dos. Son pseudo est kilométrique. Il est charismatique, croit en la polygamie… Oui parce c’est quelque chose d’Africain (mais pas la dot, la dot on devrait retirer ce principe – qui va se négliger mes frères et sœurs ?).
Tout ce que dit Kwame est loin d’être faux. Le problème c’est la manière dont il prêche : en étant condescendant et insultant. Je serais mauvaise d’écrire ici que peut-être que si vous lui demandez d’expliquer ses convictions il ait du mal à le faire… et vous envoie hypocritement faire des recherches car il n’a pas à vous « mâcher le travail » pour cacher son incapacité à répondre à la question…

Il faudrait qu’on s’intéresse à ce que Kwame prêche afin de savoir s’il a bien lu les livres. A propos de livres : comme beaucoup il a lu Cheick Anta Diop, il tient à ce que ça se sache, recrache les passages dès qu’il en a l’occasion, au diable le contexte et la cohérence.

Au passage, personne ne sait si Kwame applique la jurisprudence Anta Diop…

PATRICE DUMAS

Etre une femme dans l’afrosphère c’est devoir choisir son camp (sous peine qu’on s’en charge à ta place). Patrice est comme beaucoup trop, extrêmement naïve bien que droite dans ses bottes, elle représente celles qui n’étaient pas contre un amour dans le militantisme et à qui finalement on a menti beaucoup trop facilement. Sur les internets elle a des photos d’elle, poste souvent combien c’est une femme africaine, une vraie, pas de celles qui sont occidentalisées. Elle pratique le slut shaming, c’est juste un détail mais c’est important pour la suite.

Patrice n’est pas ou peu partie en Afrique. C’est quelque chose qu’elle assume et regrette. Elle rattrape comme elle peut et des gens comme Kwame sont importants dans son processus de réappropriation d’elle-même. Entre deux galipettes, Kwame lui apprend l’Africanité, la spiritualité, et l’acceptation du polyamour à sens unique (ils appellent cela polygamie mais il n’y a aucun mariage). Si tu as l’impression qu’elle est méprisante c’est le cas. Mais elle est surtout crédule et bornée, bien que sincère…

On est souvent choqués lorsqu’un mardi soir la vie intime de cette fille si respectable se retrouve sur les timelines de l’afrosphère : ainsi donc elle fait la chose comme nous tous ? Oui, c’est toujours choquant de savoir que les prêtres du « femmes respectez-vous » n’ont aucun respect même quand vous adhérez à leurs propos.

 

Et vous ? Si vous êtes sur l’afrosphère, de quel profil vous rapprochez-vous ?

Ps : la jurisprudence Anta Diop : le fait d’être pro noir ne vous oblige pas à vous mettre en couple avec un homme ou une femme noire. Si Anta Diop a pu le faire, eux aussi. Je suis sure que le monsieur ne parlait pas de tissage et de sujets futiles du même genre à longueur de journée – et il ne se disait apparemment pas « pro noir », mais cette jurisprudence fait fureur et ça va continuer à me faire rire pendant un long moment. Faites ce que je dis, ne regardez surtout pas qui je … 🙂

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